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L. est en Première. Il va passer l'épreuve du baccalauréat de français à la fin de l'année. Mais il a des résultats médiocres dans cette matière. Il n'aime pas tellement lire par ailleurs. Cela ne l'intéresse pas tellement. Il n'a pas de problème de lecture à proprement parler : fluide, sans à-coups. Bien sûr, faute de familiarité avec les textes, le vocabulaire lui manque un peu. Mais ce problème est facilement réglé par les définitions données. Par contre, lorsqu'il s'agit d'expliquer le texte, d'en donner une analyse, même approximative, silence. Parce que le texte "ne lui parle pas".

Le moyen le plus répandu d'évaluer la compréhension de l'enfant d'une histoire ets de lui demander ce qu'il a compris. Parents ou enseignants qui souhaitent vérifier que leur propre lecture a été entendue, puis plus tard que la lecture débutante de l'enfant lui-même lui permet de dépasser le simple déchiffrement. Et quelques années encore après, la même question, "qu'avez-vous compris de ce texte ?" persiste, afin de faire pénétrer l'élève dans les labyrinthes du commentaire.

Dans la grande majorité des cas, l'enfant raconte, avec ses mots, à sa façon l'histoire qu'il a entendue ou lue. Lorsque cette appropriation est malaisée, c'est un problème de lecture qui est pointé du doigt. Et c'est fréquemment la source des difficultés : trop concentré sur l'activité d'assemblage des syllabes, l'enfant ne parvient pas au sens.

Mais il existe un autre trouble d'entrée dans la lecture, auquel il n'est pas toujours évident de penser. Les enseignants sont tout particulièrement mal placé pour le comprendre, car ils n'en souffrent pas. Puisque par définition, pour avoir choisi une carrière de professeur de lettres, ils ont aimé les textes, y ont pénétré avec plaisir ou en tout cas avec une certaine aisance. Pour eux, lire c'est entrer dans des univers.

Lorsque vous-même lisez un récit, voyez-vous les personnages ? Vous représentez-vous les décors, leurs couleurs, leur lumière ? Entendez-vous les intonations, les sons ?

La plupart des lecteurs ont un avis sur les adaptations cinématographiques de leurs romans préférés, parce qu'ils ont imaginé, fait vivre leur lecture.

Or L., comme d'autres, n'ont pas la clé. Ils comprennent les mots du texte, mais ils ne voient rien. Même en lisant la description précise d'un lieu ou d'un personnage, ils ne voient rien. Alors quand il s'agit de comprendre un texte argumentatif ou philosophique, la difficulté est insurmontable.

Le risque en tant que remédiateur est de passer à côté de ce problème et d'apporter des solutions techniques qui seront inutiles. Réexpliquer les figures de style, de rhétorique ou les méthodes du commentaire est aussi vain que d'expliquer le théorème de Pythagore à quelqu'un qui ignore ce qu'est un triangle rectangle.

Il s'agit de faire entrer l'élève dans le texte. De ne plus lui demander "que comprends-tu ?" mais "que vois-tu ?".

Et de lui apprendre à lire les yeux fermés, pour mettre en image la succession de signes, pour mettre en scène les personnages, donner des formes, des couleurs aux décors.

Je détaillerai dans un prochain billet des pistes pour réaliser ce travail, aussi bien sur des récits romanesques que sur des textes non fictionnels.

Tag(s) : #Lecture, #Bac, #Francais
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